Appel à Contributions pour le Documentaire « Vies de Femmes »
Nous lançons un appel à contributions pour la réalisation d'un long métrage documentaire qui mettra en lumière les rôles variés et essentiels des femmes dans le secteur agricole et rural. Que ce soit en tant que propriétaires, locataires, ouvrières, pêcheuses ou cuisinières nourricières, ces femmes jouent un rôle central dans les chaînes agricoles, alimentaires, sociales, économiques et écologiques.
L'objectif de ce documentaire est de valoriser et de faire reconnaître l'importance des femmes dans l'ensemble de la chaîne alimentaire et dans l'agriculture en général.
Je suis engagé dans le cinéma documentaire par conviction politique, sans compromis. Je défends ma liberté d'expression pour créer des films qui portent des causes justes. Mon intention n'est pas de rechercher la célébrité, la carrière ou le prestige, mais de donner une voix à celles et ceux qui en ont besoin. Le financement solidaire est la seule voie qui permet cette liberté d'engagement et de lutte.
C'est pourquoi je sollicite votre soutien, qu'il soit financier, actif (créations, travail, contacts utiles, etc.) ou politique. Même un simple sourire peut faire une grande différence.
Les milliers de femmes du monde agricole, qui travaillent sans relâche et sans rien demander en retour, méritent d'être vues et entendues. Elles ont besoin de notre soutien.
Je vous assure de ma gratitude éternelle et de mon engagement à ne pas trahir cette confiance.
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Vies de Femmes
Réalisateur : Habib Ayeb
Production : Layoun Prod
Film Documentaire long métrage Sur les places et les fonctions diverses et les rôles spécifiques des femmes paysannes & rurales (propriétaires, locataires, ouvrières, pêcheuses, cuisinières nourricières) dans les chaines agricoles, alimentaires, sociales, économiques et écologiques.
Quelques années à peine avant sa disparition à un peu moins de 90 ans, ma mère ne ratait jamais la saison de la cueillette des olives. Alors que des bien plus jeunes se limitaient aux branches à portée de main, ma mère était la première à aller à la recherche des branches les plus hautes… Et de son sommet elle commandait toute la troupe et grondait les enfants quand ils marchaient sur les olives tombées par terre…
L’objectif de ce documentaire est de mettre en évidence et en valeur le rôle central que jouent les femmes dans l’ensemble de la chaine alimentaire et dans le secteur agricole en général.



L’avantage de se limiter au secteur agricole et surtout à sa composante alimentaire est que l’activité des femmes rurales est beaucoup plus visible et singulière que celle des hommes. Si vous demandez à un paysan l’espèce ou la variété d’une semence ou d’une plante quelconque, il y a de très fortes probabilités qu’il se retourne vers sa femme pour lui demander confirmation. Et il n’est pas rare qu’il se fasse corriger. De fait, ce que beaucoup ignorent, les savoirs agricoles et alimentaires dans le milieu rural et paysan sont, d’abord, des savoirs de femmes. Les preuves ne manquent pas et n’échappent qu’aux non initiés.
Jusqu'à il y a une trentaine d'années, les femmes paysannes assumaient une part importante des charges agricoles au sein et autour du foyer, parallèlement à la gestion des tâches domestiques et du travail reproductif : nourrir et soigner les animaux, entretenir leurs enclos, sélectionner et conserver les semences, cultiver une variété de légumes et d'herbes pour l'usage culinaire, et fabriquer des outils de pêche pour les femmes pratiquant la récolte de coquillages (laggata) ou de poissons.
"On a souvent tendance à croire que les femmes sont chargées de préparer les repas, ce qui n'est pas tout à fait exact. En fait, nous sommes chargées de préparer de bons plats. Une bonne nourriture qui a du goût et qui donne du plaisir. C'est pourquoi nous nous occupons de l'ensemble de la chaîne alimentaire, depuis la sélection et le stockage des semences jusqu'à la production des produits nécessaires pour répondre à nos besoins et à nos goûts. Nous produisons donc ce que nous aimons manger." (Une paysanne rencontrée en Egypte lors d’une enquête sur la place de la femme rurale dans la double chaine agricole et alimentaire).
Depuis le début des années 1990 nous assistons à un changement significatif de la répartition des tâches dans le monde paysan de plus en plus marqué par divers processus et dynamiques de dépossession et d’appauvrissement. L’agriculture paysanne étant ainsi de moins en moins en mesure d’assurer un revenu suffisant à la famille, les hommes sont de plus en plus poussés à chercher un complément de revenus dans des activités urbaines (constructions, commerces informels, transports…) en dehors du leurs terres. De leurs coté les femmes paysannes assurent de plus en plus les travaux agricoles y compris souvent à des distances de plus en plus importantes du foyer. D’où ce phénomène largement documenté dans la plus grande partie des pays du Sud de féminisation du travail agricole. Les femmes ayant toujours été activement impliquées dans les activités agricoles, particulièrement la production alimentaire, il faudrait parler davantage de « visibilisation » du travail des femmes paysannes que d’une féminisation qui laisserait croire que les femmes étaient absentes de ce secteur, ce qui n’était pas le cas.
Sur l’île de Kerkennah (le long de la côte tunisienne à une vingtaine de kilomètres de la ville de Sfax), les femmes sont pêcheuses de poissons, poulpes et autres espèces (pêche en barque ou sharfiyya (de la pêche fixe) …) et/ou de palourdes. Le poisson pêché est destiné à la consommation familiale et surtout au marché local sur l’île et sur le continent. Pour les palourdes, les femmes pêcheuses les vendent à des intermédiaires qui les destinent à l’export. Dans tous les cas, cette activité est source de revenus relativement conséquents qui expliquent que, malgré nombreux préjugés liés au genre, les hommes de Kerkennah acceptent relativement bien la présence des femmes dans les métiers de la pêche. Ainsi elles sont plus de 200 femmes à être officiellement inscrites aux registres officiels de la pêche.
Dans les larges steppes du Sud, si les femmes des éleveurs semi-nomades (il s’agit davantage de bergers-éleveurs que de nomades) ne suivent pas les troupeaux dans leurs longs déplacements qui peuvent parfois durer jusqu’à 3 ou 4 jours, à de grandes distances de la tente installée, elle s’occupent de tout le reste ou presque : prendre soin de la tente familiale, nourrir les bêtes le soir, les soigner si besoin, traire brebis et chèvres, fabriquer le lben (lait écrémé) le beurre ou le fromage, sécher la viande, cueillir et conserver les plantes médicinales… et, bien sûr, préparer les bons repas de la famille et des « invités » qui ne sont jamais prévus… et donc jamais invités.
Dans les oasis, elles sont partout sur les parcelles où elles s’occupent essentiellement des cultures saisonnières et de l’alimentation des quelques animaux d’élevage (généralement quelques têtes dont l’indispensable mouton de l’aïd). Dans certains cas, quand les hommes sont absents ou indisponibles, y compris pour maladie, certaines femmes oasiennes assurent l’irrigation des parcelles en s’arrangeant avec les voisins pour éviter de devoir irriguer en pleine nuit.
Par ailleurs, il y a les centaines et les milliers de femmes qui se lèvent très tôt le matin pour préparer le petit déjeuner de la famille et faire le ménage quotidien avant de rejoindre par petits groupes un lieu précis (dit almouqaf ou station) où elles attendront un intermédiaire en camionnette qui en emmènera quelques-unes, bien « sélectionnées », vers une exploitation pouvant être à quelques dizaines de kilomètres de là. A elmouqaf, dans la camionnette où elles sont souvent entassées debout, ces ouvrières subissent diverses formes de violences : humiliation, grossièretés, marchandages et harcèlements. Après une longue journée de travail exténuant, elles repartent dans les mêmes conditions chez elles où elles retrouvent leurs enfants à nourrir, le ménage à faire et un mari, tout aussi épuisé, mais souvent peu coopératif. Au-delà de ces conditions quotidiennes vécues par les femmes paysannes, il faut noter que leur époux, travaillant parfois dans l’agriculture mais plus souvent dans les zones urbaines, rentrera toujours avec une paie journalière de près du double de celle qu’elle pourra ramener.
Ce ne sont là que certains exemples de situations où les femmes exercent des activités agricoles indispensables, seules ou avec leur époux dans un subtile partage des tâches qui leur attribue un réel pouvoir tout en accordant à l’homme le privilège de la visibilité et de l’apparence.
Intentions de réalisation
Il s’agit de réaliser des portraits détaillés et appliqués de femmes actives dans l’agriculture, la pêche et l’alimentation. Cela nécessite une approche de type ethnographique où l’observation si possible « participative » est nécessaire. L’objectif est d’aboutir à des portraits réalistes (cinéma du réel, imposé) et fidèles pour les croiser dans une perception la plus proche des réalités quotidiennes de ces femmes telles qu’elles sont vues ou perçues par elles-mêmes et par leur entourage immédiat : membres de la famille, époux, voisins et voisines… Ainsi, il s’agit de s’approcher au plus près de ces femmes et de leur entourage, mais sans voyeurisme ni exotisme. L’objectif est, en effet, moins de montrer les (des) femmes que d’en montrer la place, les fonctions et rôles sociaux.
A titre strictement indicatif, ci-dessous une liste de « milieux socio-professionnels » dans lesquels les femmes exercent des rôles déterminants qui leur attribuent des profils personnels marquants :
- Les femmes de Kerkena : les pêcheuses et les laggata-s qui « ramassent les palourdes »
- Les femmes de Oued Sbai7yya à Zaghouan (association de femmes agricultrices)
- Oasis et femmes oasiennes
- Les femmes des bergers : Le pâturage et le semi-pastoralisme
- Le travail agricole rémunéré : ouvrières agricoles sur les champs et dans les transports
Nous ferons aussi appel à la mémoire longue en rencontrant des femmes âgées avec lesquelles nous évoquerons le passé de paysannes, d’épouses, de mères, et de … femmes. Ce travail sur la mémoire vise, entre autres, à montrer la persistance d’un système inégalitaire et les différents changements sociaux, dont les processus de dépossession et d’appauvrissement, induits par la marginalisation progressive de l’agriculture paysanne au profit de l’agrobusiness.
A propos de l’équipe technique :
Pour réaliser ce documentaire assez spécifique, l’équipe technique sera entièrement composée de femmes professionnelles tunisiennes. Cela concerne le tournage, la prise de son, le montage, l’étalonnage et le mixage… ainsi que toutes les activités dites secondaires, mais oh combien indispensables.